Quand trop de télétravail tue le télétravail
Réflexions d'une adepte du télétravail ... avant le confinement.
Je suis une fervente défenseuse du télétravail. Je le pratique très régulièrement, et, avant le confinement, je « militais » auprès de mes clients, ou de qui que ce soit d’ailleurs, pour le développement de ce type de pratique.
A mes yeux, le télétravail est un formidable moyen de travailler :
- Ecologique puisqu’il limite les déplacements et les temps de transport
- Efficace et performant grâce à une concentration décuplée
- Il développe l’autonomie, la prise d’initiatives
- Il donne le temps de réfléchir
- ….
Mais « ça c’était AVANT » ! Quand je pratiquais le télétravail 1 à 2 jours par semaine. Le télétravail à 100%, c’est une autre affaire.
En ce sens, le confinement a joué le rôle d’un concentré d’expérience. Et personnellement, force est de constater que j’ai largement touché les limites du télétravail. Pourtant, j’aurais pu penser que je ne serais pas tant impactée que cela. J’aurais dû vivre le télétravail à 100% comme une continuité de ce que je faisais déjà. D’autant plus que j’ai en mains toutes les cartes pour que cela se passe bien :
- Je n’ai pas de manager à qui je dois faire du reporting car je suis mon propre patron.
- J’ai un caractère autonome et indépendant, qui me permet de savoir exactement ce que je dois faire et quand.
- J’aime avoir des temps de réflexion seule, pour faire avancer les sujets sur lesquels je travaille.
- J’ai l’habitude de réaliser des entretiens de recrutement, ou autre, par skype depuis de très nombreuses années.
- J’ai un bureau très bien agencé.
- Et je n’ai pas d’enfants en bas âge, dont je dois m’occuper.
Je réunis donc bien toutes les conditions optimales pour travailler de chez moi en toute sérénité et efficacité.
Mais non.
Le confinement, et l’obligation que nous avons eue de télétravailler à 100%, dans un contexte que je qualifierais d’extrême, car sans sortir de chez soi, m’a fait prendre conscience de tout ce que le télétravail limitait.
A l’heure où le retour au travail se fait au compte-goutte, je m’interroge sur les conséquences d’un « home-office » qui serait la norme.
Si je prends mon propre cas, je dirais que je suis la personne tout à fait adaptée au télétravail. Et pourtant, après deux mois de cette expérience inédite, je suis convaincue que je ne le suis pas.
Pourquoi ?
- Parce que l’homme est un animal social, et qu’il n’est pas fait pour rester chez lui 5 jours sur 7.
- Parce que la routine, pour certains, est absolument dévastatrice : elle dévore notre énergie, nous fait perdre nos repères.
- Parce qu’à l’heure où le sujet de l’équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle bat son plein, il n’est pas sûr que la réponse soit dans le télétravail, même si l’on gagne du temps de transport.
- Et parce que, malgré les meilleures interactions virtuelles possibles, il manque le lien social. La pause cigarette pour décompresser suite à la pression exercée par un client. Le café avec un collègue pour échanger sur le dernier film vu « Qu’as-tu pensé de…. ??? Et au fait, nous avions évoqué ». Le « bonjour » du matin, accompagné des chouquettes pour l’ensemble du service « Qui a apporté les chouquettes ?? Michel ? Ah merci, elles sont super bonnes…. ». De pouvoir raconter à sa voisine de bureau, collègue depuis 4 ans, que l’on ne sait pas quoi faire avec son enfant de 2 ans, qui ne fait pas ses nuits : on ne trouve pas forcément la solution, mais ça fait du bien de parler ».
Je suis inquiète de voir ces liens informels disparaître. Ils nous permettent de nous sentir humains, de nous enrichir, de nous faire évoluer. Que cela soit professionnellement ou personnellement. Que faire de toutes les surprises qui découlent des échanges, de l’inattendu présent dans chaque rencontre ?
De pouvoir changer de lieu, se nourrir en partageant avant ou après une réunion avec les autres, de voir une affiche dans le métro qui nous donne l’idée d’aller voir l’expo « Trucmuche », de rentrer le soir et pouvoir raconter ce qu’a été sa journée à son conjoint.e. Bref toute la diversité des échanges et des contacts que l’on a en dehors de son domicile.
Alors je m’interroge sur la bascule que l’on observe et les effets d’annonce du type « PSA fait du télétravail la règle, pas l’exception ».
Pourquoi se convertir à l’extrême ? On sait que les convertis sont les plus jusqu’au-boutiste. Pourquoi passer du noir au blanc ?
Et si, nous prenions le meilleur des deux ?
Le télétravail OUI ! Mais n’oublions pas de faire vivre la relation, de l’entretenir, la nourrir. Il en va du sens au travail, de l’engagement de chacun, de la motivation. Il en va de la performance de l’entreprise ET du bien-être de chacun.
Violaine Bô - Mai 2020